Obligé de tout partager ?

Je me demande souvent si je suis OBLIGÉ de TOUT partager …

Comme si j’avais un malaise à vouloir me garder quelques secrets et quelques trucs qui n’appartiennent qu’à moi. C’est fou hein ? Pas vraiment. Je m’explique.

Avec la prolifération des médias sociaux, l’internet branché dans le tapis, le wi-fi « all the time » et les réseaux cellulaires en direct, il semble que tout est dû à qui te suive. J’avoue, je vis un certain malaise quand je partage sur ma page des images et que des gens dans mes « contacts » (pas des amis proches) me demandent d’expliquer de bout en bout comment j’ai fait telle ou telle image. On s’entend, je ne suis pas à partager cela sur une page d’entraide entres photographes, non, sur ma page personnelle. On m’écrit en message privé demandant (parfois très crûment) la recette complète d’une photo. Comme disait ma mère, j’ai beau avoir les ingrédients, je ferai pas le même plat que RICARDO (ou Jeanne Benoit pour les plus ancients) … Le fast food n’existe pas ou à peu près pas en photographie et s’il existe et qu’il fonctionne pour certain, tant mieux, pour moi, ça n’a jamais marché.

En tant que formateur et professeur, j’ai l’obligation du partage dans mes salles de classes, je me dois d’expliquer à ceux qui se trouvent devant moi comment c’est fait même si je sais à l’avance qu’avec tous les ingrédients en place, la recette pourrait échouer. Oui, le contexte photographique compte beaucoup dans une image, pas seulement l’équipement ou la technique. Ah oui, il y a les yeux aussi.

Non, je ne suis pas en train de me plaindre, loin de là. Je partage aussi en quantité, que ce soit mérité ou non (oui certaines choses vont au mérite dans la vie). J’estime que les médias sociaux sont une sorte de piège à l’intimité et j’ajoute que mal perçus, ces réseaux sociaux mènent à une perte dans la recherche de soi-même. On a les réponses un peu trop facilement à mon avis, on a moins envie d’expérimenter, d’apprendre par soi-même, on veut du « fast-food ». Youtube est rempli de fast-food efficace si tu veux pas te casser le bicycle … Comme si le « comment s’est fait » impliquait directement un « tu me dois l’explication » Le partage a aussi le droit d’être volontaire. Sauf dans une entente contractuelle, personne ne doit rien à personne.

NON, je ne suis pas obligé de tout expliquer, j’aime souvent donner des indices sur le comment s’est fait et qui sait, en travaillant un peu, la personne fera peut être mieux avec sa propre technique. Je suis un apôtre du partage, ça tout le monde le sait mais j’ai aussi mes petits secrets, je me choisis d’abord et j’évalue ce que je partage. C’est mon privilège. Aucun chef en cuisine ne divulgue tout ses secrets pas plus que Luc Langevin (pour qui j’ai une admiration sans borne) lorsqu’il fait de l’illusion. S’il le fait, il choisit ce qu’il veut bien partager.

Jamais je ne demande une recette à un collègue, s’il me la livre, c’est son choix, si j’y tiens, devinez quoi, je la paye cette recette, j’échange un service ou je monnaye mon apprentissage. Quand j’ai obtenu mon diplôme au NYIP (New York Institute of photography), j’ai payé pour apprendre, je trouve ça normal, ceux qui étudient au Collège Marsan ou qui prennent des formations privées avec moi déboursent, je divulgue donc et je partage au maximum, c’est un échange que je considère équitable. Si quelqu’un choisit de tout divulguer, c’est aussi son choix. C’est toutefois SON CHOIX.

Je ne tomberai pas dans le « puis-je utiliser cette image pour ma pub ou pour la peindre  » (gratuitement bien sûr) comme si une fois de plus, tout cela était dû aux demandeurs. Les médias sociaux ont fait en sorte que plus personne (ou presque) respecte le travail et ce, davantage pour ceux qui sont dans les arts. Encore hier, quelqu’un à côté de moi (un homme en cravate SVP) essayait de trouver gratuitement sur INTERNET des images gratuites pour mettre sur sa page web ou Facebook, je ne suis plus certain. Pourquoi il l’achèterait ? Elle est là devant lui.

C’est fou ce que les médias sociaux, la venue de l’internet, l’accès à illimitée à l’information ont rendu les gens paresseux … Très paresseux. Si j’ai message à passer, c’est celui-ci: Expérimentez vos propres choses en vous donnant une base de compréhension, peaufinez vos apprentissages par l’expérimentation et soyez heureux de ce que vous accomplissez sans vouloir reproduire ce que quelqu’un d’autre a déjà fait. Soyez votre propre inspiration et votre propre source de motivation, devenez une référence pour vous-même, c’est valorisant et ça vous amènera à vous dépasser à coup sur. Curieusement, les gens autours de moi qui ont le plus progressé sont ceux à qui j’ai divulgué des astuces en quantité microscopique. Je vous jure, je ne blague pas, certes, il/elles ont fait des recherches, elles ont surtout expérimenté, essayé, ont échoué et ont recommencé. En photographie, tous les échecs à ne pas répéter sont de nouvelles victoires. Apprendre par l’erreur est nécessaire, c’est aussi pour cela que je ne partage pas tout. Ah oui, ça développe aussi la créativité.

Aujourd’hui, j’ai  eu envie de vous partager mon opinion, sans rancune j’espère …